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Numérisation 3D du cabinet de curiosités
La bibliothèque Sainte-Geneviève s’engage dans un ambitieux projet de plusieurs années : numériser en trois dimensions les objets de son cabinet de curiosités et une sélection d’objets d’art hérités de l’ancienne abbaye. La première étape de test s’achève avec la production d’une version 3D d’un embout de pipe en pierre catlinite originaire des Grandes Plaines d’Amérique du Nord.
La bibliothèque Sainte-Geneviève s’engage dans un ambitieux projet de plusieurs années : numériser en trois dimensions les objets de son cabinet de curiosités et une sélection d’objets d’art hérités de l’ancienne abbaye. La première étape de test s’achève avec la production d’une version 3D d’un embout de pipe en pierre catlinite originaire des Grandes Plaines d’Amérique du Nord.
Le projet de numérisation 3D
Héritière des collections de l’abbaye éponyme nationalisée en 1790, la bibliothèque Sainte-Geneviève en conserve aujourd’hui encore des mobiliers et œuvres d’art, ainsi que des pièces ethnographiques de son ancien et célèbre cabinet, négligées par les transferts révolutionnaires. À terme, un projet de numérisation en trois dimensions de l’ensemble du cabinet est envisagé afin de rendre compte de ce qu’il était à l’époque, y compris les éléments aujourd’hui dispersés, et d’accompagner cette reconstitution des données sémantiques des objets, construites à partir de leurs notices descriptives. Parallèlement à ce projet de longue haleine est envisagée la numérisation de la maquette de la corvette L’Aurore (objet d’art qui représente un défi technique et scientifique du fait de son extrême complexité) à l’occasion de sa restauration.
La première phase de test
L’objectif de cette première étape est d’anticiper les difficultés techniques de la numérisation 3D de L'Aurore (sur un objet comportant peu de données à traiter). Cette étape est réalisée en partenariat avec Archéovision Production, association adossée à la cellule de recherche Archéovision (Université Bordeaux Montaigne) coordinateur du Consortium 3D. La capture d’images a été réalisée dans les locaux de la bibliothèque Sainte-Geneviève pendant 2 heures environ le 9 octobre par Archéovision Production, donnant lieu à 329 photos de 50 millions de pixels chacune. La modélisation a pris un jour et demi et a produit un fichier 3D (obj) natif environs 800 Mo. La définition de cet objet est d’environs 2/10e de mm.
L’embout de pipe en pierre catlinite
Les « sauvageries » du cabinet de curiosités, dont l’acquisition n’est pas documentée, reflètent l’ouverture d’esprit et la curiosité protéiforme des Génovéfains, qu’alimente un réseau de correspondants dans toute l’Europe. Plusieurs d’entre elles proviennent du continent américain ; parmi elles ce fourneau de pipe.
En Amérique du Nord, les Grandes Plaines s’étendent du bassin du Mississipi aux Rocheuses de l’Ouest, et du Rio Grande (sud du Texas) à la branche supérieure de la rivière Saskatchewan (centre de l’Alberta). Le nord de ce vaste ensemble a vu émerger et grandir la civilisation Oneota du Mississipi supérieur (Iowa, Wisconsin, Illinois). Cette culture a connu, avec de nombreuses variantes locales, plusieurs stades de développement : la période d’émergence (v. 900-1000), la période de développement (v. 1000-1300), la période classique (v. 1300-1650) puis la période historique. Les Oneota exploitaient le cuivre et la catlinite avec lesquels ils fabriquaient différents types d’objets. Ces artefacts intégrèrent le florissant réseau d’échanges qui irrigua les Grandes plaines entre 1450 et 1650 : commerce de pièces en céramique, ornements en coquillages, morceaux de fluorite ou de galène, outils en silex, embouts et tuyaux de pipes…
La plupart des pipes en catlinite - notamment celles qui ont, comme celui-ci, forme de disque - sont l’œuvre de sculpteurs sioux de la tribu des lakotas tetons, issus de la civilisation Oneota. Le fourneau était conçu pour être fiché à l’extrémité d’un tuyau en aulne ou en frêne, formant ainsi un calumet que les Indiens des Plaines reconstituaient chaque fois que de besoin. La pipe cérémonielle ressort d’un ensemble d’objets aux vertus particulières, confiés jadis par les puissances sacrées à certains individus et, par extension, à leurs communautés respectives. Comme nombre de ces objets, elle relie les humains aux divinités spirituelles qui régissent l’univers, et notamment au Grand-Esprit. Fumer la pipe cérémonielle est un rituel aux procédures bien établies ; par cet acte on salue les arrivées, on marque la fin des négociations ou celle des préparatifs de guerre, on conclut les accords de paix. La pipe est propriété privée exclusive et chaque homme prend grand soin de la sienne.
La pierre « catlinite » doit son nom à George Catlin (1796-1872), peintre américain qui fut en 1836 le premier Blanc à visiter et décrire le plus grand gisement de cette roche, situé dans le Minnesota. La catlinite est une sorte de stéatite spécialement utilisée pour la fabrication des pipes : elle possède la particularité d’être tendre lors de son extraction, ce qui la rend particulièrement facile à sculpter, et de devenir extrêmement dure après avoir séché au soleil.
Embout de pipe en pierre catlinite. Amérique du Nord (Grandes Plaines), XVIIe ou XVIIIe siècle. L = 18 cm, H = 3,5 cm, D = 10,5 cm.
Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Réserve : Inv. 1943 n° 167.